Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage... (Georges Brassens)

lundi 28 janvier 2013

Du Fitz Roy à Ushuaia


El Chaltén

Nous sommes arrivés dans un écrin : El Chaltén et les montagnes qui l’entourent. Ce petit village né en 1985 est la ville d’Argentine la plus récemment conçue. Du coup, malgré qu’il n’y ait pas de réseau pour les téléphones portables (ça tombe bien, on n’en a pas !) et que les connexions internet soient très, très lentes, il y a un parc national dont les infrastructures sont impressionnantes. Cartes détaillées, centre d’informations très compétent, toilettes sèches le long des sentiers, balisages parfaits et… eau potable dans les lacs et rivières ! Oui, oui, on peut boire l’eau des rivières sans traitement ! La nature nous gâte… mais il faut respecter quelques règles simples : ne pas faire ses besoins à moins de 100m d’un cours d’eau et jeter l’eau savonneuse de sa vaisselle ou lessive à au moins 50m d’un cours d’eau. Espérons que cela perdure malgré l’afflux important de touristes dans ce coin de paradis.

Et des touristes, on n’en a pas vu beaucoup car on a tout fait à contre courant. Le premier jour, nous débutons notre trek en début d’après-midi seulement. Nous arrivons donc à la Laguna Torre alors que tout le monde vient d’en repartir. Les pics acérés et enneigés qui se présentent à nous derrière le petit lac gris-vert pleins d’icebergs sont une merveille. On se croirait vraiment dans un rêve. Ça brille, c’est haut, c’est beau… et le must, c’est qu’on a vu ces sommets durant la majeure partie de notre marche, face à nous. Hummm…. Trop bien ! De retour au village, on se rappelle que nous sommes le 31 décembre et que ce soir, c’est le réveillon ! Rien de mieux que de passer le cap à deux, dans notre hôtel de luxe Wicked Camper après un repas gastronomique concocté sur notre réchaud à gaz au clair de bougie !

Pour commencer l’année en beauté, nous marchons jusqu’à un joli point de vue. Le Mont Fitz Roy et les montagnes qui l’entourent sont simplement splendides. Etonnamment, tout est découvert. Pas un nuage. En effet, El Chaltén, le nom du village, signifie la « montagne qui fume » en langue tehuelche. Les indiens qui occupaient cette région à l’origine appelaient ce mont imposant qu’est le Fitz Roy de ce nom, car il ressemble très souvent à un volcan à cause des nuages qui s’y accrochent constamment (voire même qui s’y créent d’après nos observations personnelles). Et bien comme cadeau de bienvenue en 2013, le Fitz Roy s’est présenté dans son plus simple apparat ! Complètement découvert ! Pas un nuage pendant 3 jours ! On en a donc profité pleinement, au point de se lever à 4h du matin un jour, afin d’assister au lever de soleil, avant de marcher 4h jusqu’à la Laguna de Los Tres. De là, où nous arrivons juste avant tous les groupes de touristes, nous ne pouvons pas avoir une meilleure vue sur le Fitz Roy. Il est devant nous, immense, énorme, tel un géant qui défie les quelques alpinistes que nous voyons redescendre à travers le glacier jusqu’à nous. Comme à notre habitude, nous pique-niquons sur un caillou avant de redescendre à El Chaltén. Ce jour-là, nous sommes contents de nous coucher, après 9h de marche. Mais avant, la « douche » dans la rivière glaciale (c’est le cas de le dire, elle provient vraiment des glaciers environnants) est, comment dire ? Rafraîchissante !


La petite frayeur…

Ce jour-là, nous roulons du matin au soir vers le sud. Vers 19h, nous décidons de nous arrêter au bord de la route pour souper et dormir. Cela tombe bien, voilà une place de repos juste au bord de la RN40. Près d’une grande ferme, mais loin de tout, nous ne serons pas trop dérangés par le trafic car la route sera bientôt fermée (la frontière avec l’Argentine n’est pas loin). Nous mangeons bien puis nous couchons. Sur le point de nous endormir, nous sentons soudain que notre camper se fait secouer assez fort. Aucun doute, quelqu’un doit être entrain de secouer le véhicule !! Mais comment est-ce possible ? Ici il n’y a personne ! A travers les rideaux, on aperçoit les feux d’une voiture pas loin… gloups… on tire les rideaux pour voir ce qu’il se passe et là, quelque chose s’enfuit ! On ouvre mieux les yeux et on voit... une vache ! Non, mais ! ça va pas de se gratter sur notre chambre à coucher au milieu de la nuit ??

Les Pinguinos

Nous voilà à Punta Arenas, au sud du Chili. Nous rendons avec émotion notre camper. Le responsable est étonné que nous n’ayons pas eu de problème mécanique… nous en sommes ravis ! A part une porte bloquée vite réparée, deux-trois boulons à resserrer et quelques fuites d’eau à colmater (lorsqu’il pleuvait !), tout s’est très bien passé ! Nous retrouvons donc nos sacs à dos, les auberges de jeunesse et le bonheur des bus publics. Avant de partir pour Ushuaia, nous prenons un ferry pour l’Isla Magdalena où nous attendent… 160'000 manchots de Magellan ! Et oui, 160'000 ! (Nous vous le garantissons car nous les avons tous comptés pour en être sûrs, haha !) Ici, les gens parlent de Pinguinos. Ils ressemblent effectivement à des pingouins, mais sont tout petits. Ils mesurent environ 75cm, sont noirs et blancs et vivent dans des terriers. Au moment où nous les avons vus, ils étaient en couple avec leur petit (qui mue). Ils sont vraiment attendrissants, mais surtout, tellement comiques ! Sur terre, ils marchent d’une manière très maladroite, c’est vraiment rigolo ! C’est vrai que pour descendre la colline jusqu’à l’eau du détroit de Magellan avec les pantalons aux chevilles, nous ne ferions pas mieux ! Par contre une fois qu’ils ont plongé, on croirait presque des dauphins tant ils sont agiles. Ils glissent et sautent même à côté du bateau, vraiment sympa. Nous passons 1h sur cette petite île très venteuse à les observer, puis nous devons repartir. Ce lieu est très protégé et rester davantage pourrait perturber les animaux. Nous rentrons donc à Punta Arenas la tête pleine de belles images et le sourire aux lèvres.


Ushuaia

Et voilà, cette fois-ci, c’est parti pour le bout du monde ! Après avoir roulé 7000km dans notre Wicked Camper depuis Santiago de Chile jusqu’à Punta Arenas, nous voilà en route dans un bus pour Ushuaia ! Au programme, 10h de route dont une bonne partie sur de la piste, la traversée du détroit de Magellan sur un ferry avec escorte de dauphins (!), un passage de douane beaucoup trop long, et les paysages un peu fou de l’Ile de Terre de Feu… Soudain, nous y voilà ! Ushuaia ! Au premier abord, la ville n’est pas très belle. Des containers sont entassés au bord de la route, c’est plutôt industriel. N’oublions pas qu’avant d’être la grande ville la plus australe du monde, Ushuaia est surtout un port bordant le canal de Beagle. Au bout du canal à l’est : l’océan atlantique. Au bout du canal à l’ouest : l’océan pacifique. Au sud, l’île de Navarino, puis quelques îlots dont le fameux Cap Horn. Au nord : des montagnes, des plaines venteuses, des guanacos, puis le détroit de Magellan qui sépare l’île du continent américain. Nous marchons jusqu’à notre auberge pour nous endormir dans un dortoir. Et oui, ici, les prix des chambres doubles sont bien plus élevés que dans le reste de l’Argentine. Pour le même prix, on dort à 6… Et comme tout est plus cher (transports, taxis, excursions, restaurants, etc), notre séjour à Ushuaia se résumera à se reposer et profiter de la belle mezzanine de notre auberge. 

Mais non, vous nous connaissez, on n’y arrive pas… alors on marche gratuitement jusqu’à un point de vue splendide qui domine la ville et le canal de Beagle. Vraiment chouette ! Un autre jour, nous prenons un bateau pour naviguer sur le fameux canal et voir de très près (2-3m.) des lions de mer, des cormorans et des goélands. Le phare planté sur un récif nous fait vraiment nous sentir au bout du monde… Cerise sur le gâteau, Valentin gagne le tirage au sort en rentrant au port. Il reçoit un drapeau de l’Argentine avec lequel il posera en Suisse avant d’envoyer le cliché à la compagnie de navigation !

Un petit restaurant s’impose un soir pour un anniversaire, avec au menu d’excellents fruits de mer et poissons du coin (araignée de mer, coquillages, saumon, merluza negra, perches, langouste,…), grillés à la plancha. Le dessert n’est pas moins succulent, vu que les Argentins sont vraiment des chefs dans ce domaine aussi. On s’est régalé !

Le 12 janvier, nous quittons le bout du monde en avion, par un vent à décorner des bœufs. On se demande bien si l’avion pourra décoller tant le canal de Beagle est déchainé juste à côté de la piste… gloups… mais tout se passe bien et la vue depuis le hublot est démente ! La prochaine étape de transit avant l’Australie sera Buenos Aires, avec sa chaleur, ses cafés sympa et son tango…


Pour la petite histoire, il paraît que lorsque quelqu’un mange des calafates, petites baies des bois de la région patagone, il reviendra dans sa vie en Patagonie… En ce qui nous concerne, nous avons avalé plusieurs pots de confiture de calafates avec nos tartines ! Tout ça pour dire que nous reviendrons, c’est CERTAIN !

samedi 12 janvier 2013

Le glacier Perito Moreno


Après les splendeurs du « Parque Nacional Torres del Paine », nous enchaînons notre périple patagon au nord, vers El Calafate en Argentine. A la douane (au milieu de nulle part), le jour de Noël nous trouvons le douanier endormi. Il vient « contrôler » nos papiers en training et veste officielle en nous disant : « désolé j’ai pas mal fêté hier… ». Autant dire qu’on est passé en Argentine sans aucun problème… Nous arrivons donc à El Calafate le 25 décembre. Mais comme tous les restaurants font des menus spéciaux pour Noël, plus chers, avec moins de choix et stressent les clients pour faire deux services, nous attendons le 26 pour fêter Noël en tête-à-tête. Un délicieux Bife de Chorizo avec frites, vin argentin et dessert au dulce de leche, un vrai régal…




Le lendemain, nous filons directement voir le glacier Perito Moreno, but de notre visite à El Calafate. Et là, quelle n’est pas notre stupéfaction de le découvrir. On est arrivé juste à temps pour voir les derniers centimètres carrés de glace fondre dans le lago Argentino. Et voilà ! Une demi-heure plus tard, il ne reste rien du glacier en photo dans l’en-tête et nous repartons bredouilles, déçus mais également fiers d’avoir assisté à la fin d’un mythe.







Mais non, on vous a bien eus. Quoiqu’on pourrait penser qu’il est en voie de disparaître vu que certains documentaires sur le réchauffement climatique utilisent des images du glacier Périto Moreno, avec d’énormes  séracs craquant et s’écrasant dans le lac Argentino, à tort et à travers comme illustration. Mais en réalité si le glacier craque et si ces séracs tombent dans le lac, c’est à cause de l’AVANCEE du glacier, deux mètres par jour au centre et septante centimètres sur les côtés. Et oui, un glacier qui avance ça existe encore…

Donc nous continuons d’avancer, impatient, sur la passerelle. Après quelques centaines de mètres, nous commençons à apercevoir le haut du glacier par-dessus la forêt. On est tout de suite mis au parfum, un pan du glacier se détache et disparaît derrière les arbres pour se fracasser dans l’eau avec un bruit assourdissant. Nous n’avons vu qu’une infime partie de ce qui s’est passé mais déjà nous nous rendons compte de l’incroyable spectacle que nous allons vivre durant cette journée. En effet, le glacier, haut de 60m, large de 5 kilomètres et long de 30 kilomètres avance. Et en plus, ce glacier n’est qu’un infime bras du champ de glace sud de Patagonie. Il est particulièrement impressionnant car, à n'importe quelle époque de l'année, se produisent des effondrements constants de ses murs de glace. En plus, le front du glacier avance face à la péninsule de Magellan. Quand il atteint la rive opposée, il divise le lac en deux créant des digues naturelles. Les eaux montent alors (jusqu'à trente mètres) et commencent à éroder le glacier qui devient moins résistant (ce qui crée un pont de glace) et cède sous la pression. Cette rupture spectaculaire du front du glacier a lieu périodiquement. Ce phénomène ne va pas tarder à se produire mais, malheureusement pour nous, le glacier n’est pas encore assez érodé pour que l’explosion ait lieu le jour de notre visite.

 Nous restons tout de même « scotchés » devant ce glacier une journée entière. La seule exception est une petite croisière sur le lac pour aller voir le glacier depuis « en bas ». Mais, une fois ce tour en bateau terminé, nous retournons voir le glacier et nous émerveiller en l’écoutant craquer et bouger pour le plus grand plaisir de nos yeux et de nos oreilles. Nous attendons avec impatience d’assister à un effondrement d’une partie du mur du glacier. Et tout à coup, en flânant sur la passerelle, nous voyant tout un pan du glacier qui craque et qui envoie de petits blocs de glace dans le lac et, tout à coup, c’est un bloc de 60m de haut sur 20-30m de large qui se rompt, éclate et finit dans l’eau en nous faisant dresser les cheveux sur la tête tant ce spectacle est impressionnant. Nous sentons vraiment la force de la nature et la pression que le glacier exerce sur lui-même. Durant la journée, nous aurons droit à quatre autres effondrements de ce type qui sont tous plus spectaculaires les uns que les autres. Et pour finir en beauté, c’est le mur de la plus haute partie du glacier qui se détache, vacille lentement, éclate en morceaux et s’écrase dans les eaux du lacs créant un mini tsunami. Complétement dingue !