Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage... (Georges Brassens)

mercredi 29 mai 2013

Le Népal


Fini le Vietnam, nous voilà au Népal après une bonne nuit très reposante (hum…) sur un banc de l’aéroport de Singapour. Arrivés à Kathmandou, nous obtenons nos visas et sommes conduits jusqu’à notre hôtel. Nous pensions avoir vécu une circulation anarchique et chaotique au Cambodge et au Vietnam, mais en fait ce n’était rien comparé au Népal ! Premièrement, on roule à gauche ici. Deuxièmement, c’est très brusque tout le temps. Troisièmement, les klaxons sont agressifs. Et sur les « grandes » routes, ça va beaucoup trop vite par rapport aux conditions… donc attachez vos ceintures, c’est parti pour le récit du Népal ! Ah on oubliait… il n’y a pas de ceinture ici !

Nous nous organisons au plus vite pour quitter « Kathmandou l’insupportable ». Trop de poussière, trop de pollution, trop de klaxons, trop de rabatteurs vendant bibelots et marijuana. On se casse à la montagne ! Huit heures de bus « boîte de sardines » seront nécessaires pour arriver au point de départ de notre randonnée. Là, nous passons la nuit dans la chambre d’hôtel la plus sale que nous n’ayons jamais vue… Comme vous pouvez le constater, le Népal à première vue ne nous a pas enchantés. Mais attendez, continuez la lecture… car dès que nous avons enfilé nos chaussures de marche et mis notre sac à dos, c’est là que ça devient intéressant.
De Besi Sahar, nous sommes partis pour environ 20 jours de marche autour du massif des Annapurna. Ces montagnes immenses culminent toutes entre 7000m et 8091m et nous allons les voir pendant finalement… 28 jours ! Et oui, c’est tellement beau que nous prolongeons deux fois notre trek afin d’en profiter encore plus.
Sur le chemin, on voit une partie du Népal très authentique. Petits villages d’influence hindouiste pour une partie du trek, et d’influence bouddhiste tibétaine pour la partie plus haute. Des toits plats, des réserves de bois sur les balcons, des enfants emmitouflés contre le froid, des muletiers, des porteurs, des paysans. Et des touristes ! Le tour des Annapurna est vraiment très connu, pour sa beauté, pour son accès, pour son balisage parfait, pour ses lodges qui jalonnent le parcours toutes les une à deux heures de marche. Ce trek est donc assez facile pour les touristes comme nous, tant au niveau de l’organisation qu’au niveau de l’orientation. Quant à la condition physique, si on aime, on y arrive ! Enfin… en respectant les limites de la montagne et de l’altitude qui règnent ici en maîtres ! Nous marcherons en effet entre 800m et 5400m d’altitude ! D’où le « petit » défi à relever que nous avons bien sûr adoré !
Le parcours s’élève progressivement depuis Besi Sahar jusqu’à Manang (3600m). A cet endroit, acclimatation obligatoire d’un jour. Nous en faisons trois ! C’est tellement beau qu’on en profite à fond. Tellement à fond qu’on monte jusqu’à 4600m lors d’une promenade d’acclimatation et qu’arrivés en-haut, fatiguée, essoufflée et affamée, Christelle ne trouve rien de mieux à faire que de glisser et de s’étaler dans la boue ! Plutôt marrant, mais… on venait de faire la lessive ! Et ici ce n’est pas une mince affaire ! Un tuyau d’eau glaciale qui coule dans le jardin, une bassine, un savon pour les mains et beaucoup d’huile de coude sont nécessaires pour laver nos quelques vêtements. Donc c’est vite vu, le soir on recommence tout et on espère que ça sèche jusqu’au lendemain matin… Aïe aïe aïe…
A propos d’eau gelée, ça nous fait penser à la douche quotidienne. Dans presque toutes les lodges nous avons droit à une douche digne de ce nom. Alors d’accord parfois la porte ne ferme pas bien, parfois la fenêtre sans vitre nous donne une ventilation un peu trop fraiche, parfois le sol n’est pas très propre. Mais bien souvent, l’eau était tiède ! Un luxe inestimable lorsqu’on se trouve au Népal, en montagne, loin de tout et parfois loin d’une source d’eau. Tiède et non chaude, car nous arrivons en milieu d’après-midi, lorsque le ciel était déjà recouvert de nuages. Où est le rapport ? L’eau est chauffée à l’énergie solaire. Donc plus vite vous marchez, plus vite vous arrivez à destination, plus il y a de soleil (le matin est beau, l’après-midi est gris), plus vous aimez la douche ! Autre solution : payer la douche très chaude, mais au gaz ! Pourquoi payer pour du gaz ? Les bombonnes sont transportées à dos d’homme… et je peux vous dire que quand vous les voyez sur le chemin, avec une énorme bombonne de gaz dans leur panier accroché à leur tête, entrain de suer, vous ne râlez pas une seconde pour payer votre douche ou alors vous prenez une douche tiède (voire froide) !

Des porteurs, on en a vu des dizaines. Ils portent, ils marchent, ils suent. Voilà leur vie. Jusqu’à ce que leurs articulations disent stop. Le salaire étant calculé en fonction du nombre de kilos qu’ils ont sur le dos, certains portent jusqu’à deux fois leur propre poids ! Heureusement des règles entre les touristes et les porteurs sont désormais appliquées. Maximum 30kg pour un porteur. Mais tous ne sont pas concernés, puisque la nourriture, le gaz, les tables, la tôle, les lits, les commodes, les pierres, les briques, tout est transporté à dos d’hommes, de femmes et d’enfants dans les montagnes pour assurer la survie quotidienne. Autant vous dire que lorsqu’on peste dans une montée avec notre petit sac de 10kg, on se tait désormais en repensant à ces gens exceptionnels, qui font le travail que même une mule ne peut pas accomplir.

Revenons-en à nos petits tracas quotidiens… les WC ! Et oui, on pourrait écrire un livre là-dessus. Mais ici c’est plutôt simple : toilettes turques partout ! Pas de chasse d’eau mais un seau. Un autre seau pour le papier de toilette. Facile donc, sauf lorsqu’on est courbaturé du jour précédent !
Vous voulez encore une anecdote ? Ce jour-là, ça monte. Comme quasi tous les jours en fait… mais là, il fait beau et chaud et ça fait vraiment beaucoup de bien de boire l’eau fraiche de notre gourde lors d’une petite pause. Jusqu’au moment où on se rend compte qu’on vient de boire un litre d’eau non-purifiée… gloups… et bien sur ce coup-là, il faut dire qu’on a eu vraiment beaucoup de chance, car nos estomacs et intestins ont tenu le coup comme des chefs !
Autre tracas ? Choisir entre un gâteau aux pommes et un pancake à la banane lors d’une pause, savoir si demain on marche ou si… on marche ! La belle vie, quoi ! Surtout certaines journées particulières. La balade à Ice Lake, fantastique du fait du panorama exceptionnel que nous avons sur les géants de l’autre côté de la vallée et du ciel bleu toute la journée, une balade depuis Ghyaru jusqu’à la stupa du village et avec vue splendide une fois de plus, le lever du soleil à 5h30 du matin à Upper Pisang lorsque tout le village commence gentiment à se réveiller, le festival annuel de tir à l’arc dans le même village… Il y a encore le passage du col Thorung La, à 5400m, avec un départ à 5h30 et une montée de 6h jusqu’au plus haut point. La respiration se faisait difficile, mais marcher dans la neige avec autour de soi des monts blancs merveilleux était féérique ! Puis les 4h de descente en freestyle pour les deux petits Suisses qui glissaient et couraient plus qu’ils ne marchaient. Quoi d’autre ? Les villages de Jong, Kagbeni, Marpha, Bragha, tous plus beaux les uns que les autres. La visite d’un temple bouddhiste et la découverte de manuscrits vieux de 500 ans dans sa bibliothèque. Le réveil des montagnes au camp de base de l’Annapurna, à plus de 4000m, dans un cirque de sommets s’illuminant tous les uns après les autres avec les premiers rayons du soleil. Les nuits glaciales dans nos chambres mal isolées, mais qui resteront gravées dans nos mémoires. Les discussions passionnées avec les propriétaires d’une lodge à Bahundanda. La rencontre de Thomas et Emilie et la fin du trek en leur compagnie, tout comme l’apéro au fromage de yak et pringles après la grosse montée de Chomrong. La journée à travers la forêt de rhododendrons en fleurs. Et pour terminer, après une belle journée de marche, les agréables sources d’eau chaude à Jhinu Danda au bord de la rivière et au milieu de la forêt. On s’arrête là, mais il y aurait encore tant à dire. Comme quoi un trek, ce n’est pas juste de la marche et de l’effort, mais des émotions, des rencontres, des frissons… On se sent vivre !!!


De retour à Pokhara, on est bien content de dormir dans un super hôtel pour fêter nos 10 ans ensemble ! De là, nous reprenons la route pour Kathmandou et visitons au passage deux très jolis villages : Bandipur et Ramkot. De retour à Kathmandou, la ville n’a pas changé depuis notre départ en trek… zut… bon, on fera avec pendant une grosse semaine d’organisation de la suite du voyage. Et nous nous échappons du quartier touristique de Thamel pour explorer le « vrai » Kathmandou. Nous découvrons des Népalais jouant aux échecs sur le trottoir, des petits temples cachés, et une boutique à thé où le marchand nous invite à déguster de bons thés en parlant de nos pays respectifs. De plus, nous avons profité de visiter le très beau stupa de Swayanbhunath, qui se trouve sur une colline avec vue sur toute la capitale. Il y a des petits singes autour de nous, de l’encens brûle un peu partout, de la musique tranquille est diffusée et les gens viennent ici pour se recueillir. Une belle visite. Tout comme notre virée au plus grand stupa d’Asie, qui se trouve en plein cœur de Kathmandou : Bodnath. Surprise ! Ici, c’est avant tout des Tibétains en exil et en habit traditionnel qui tournent autour du stupa en priant et en faisant rouler les moulins à prière. Une atmosphère calme, paisible et respectueuse règne ici malgré le nombre important de pèlerins. Notre dernière visite au Népal se fait à Bhaktapur, une petite ville à la périphérie de la capitale et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ici c’est l’ancienneté des bâtiments, des temples et des ruelles qui impressionnent. De plus, ils sont pour la plupart très bien conservés. Nous avons la chance (ou la malchance ?) d’arriver à Bhaktapur un jour de festival. Les familles hindouistes se réunissent ce jour-là dans les temples pour faire des offrandes à leurs dieux. Nous les voyons donc se déplacer à pied à la queue-leu-leu avec des plateaux remplis de fruits et de fleurs, dans leurs plus beaux vêtements. Mais ce qui interpelle le plus, c’est la chèvre qu’ils tirent derrière eux, elle aussi décorée de fleurs. Qu’en font-ils ? Un peu plus tard dans la journée, nous voyons ces petites processions revenir avec leurs plateaux vides et… un plateau dans lequel git à présent une tête de chèvre ensanglantée ! Le corps de cette pauvre est chargé sur un vélo pour être ensuite vidé de ses entrailles (en pleine rue, c’est très appétissant…). Donc on sait désormais quel est le sort des chèvres au Népal !

Le lendemain, nous quittons le Népal pour Hong Kong. Lorsqu’on essaie de résumer nos sentiments sur le Népal, c’est plutôt paradoxal. En effet, nous avons vraiment adoré marcher dans les montagnes, rencontrer des habitants toujours très gentils, à l’écoute, généreux et sympathiques avec lesquels nous avons eu des discussions très enrichissantes, nous avons aimé voir les beaux villages de Bandipur, Ramkot et Bhaktapur, découvrir une culture complètement inconnue pour nous, voir comment le bouddhisme et l’hindouisme cohabitent sans problème et simplement vivre au milieu de ce Népal souvent envoûtant. Par contre, nous sommes un peu trop décalés par rapport à d’autres aspects de la vie népalaise que nous n’arrivons pas à comprendre. Ceux-ci sont souvent dûs à la pauvreté, mais certains font simplement partie de la culture de ce pays. Les gens crachent partout, les rues sont sales en partie à cause des offrandes faites sur le trottoir dans le but de protéger la maison, mais tant de nourriture pourrissant au soleil attire pleins de bêbêtes… De plus, les déchets ne sont pas traités du tout, l’état est complètement corrompu, les routes sont extrêmement dangereuses, la nourriture est peu variée et parfois avariée. D’où quelques tourista pas très sympa que nous avons tous les deux attrapées et ce même en mangeant les produits locaux et sans viande. Bref, nous ne vous cachons pas ce qui nous a plu et déplu. Cela fait partie d’un voyage et nous sommes très contents de vivre ces expériences enrichissantes et qui nous ouvrent l’esprit. Nous quittons donc Kathmandou fatigués, mais heureux d’avoir découvert le Népal !

4 commentaires:

  1. Enfin, dirons-nous! Nous avons attendu, mais pas en vain pour connaître la suite de vos aventures, ça en valait la peine. Christelle a passé sans encombre à côté d'un bovin, de plus un buffle!! Sans doute pour la photo. Les textes sont toujours aussi bien écrits et les anecdotes vivantes et pleine d'humour et de tendresse. Merci aux deux voyageurs de nous en faire part. Et que dire des photos, les paysages somptueux, les ponts qui font frissonner, même sans vélo. A bientôt pour d'autres récits. Grosses bises.
    maman

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  2. C'est juste fabuleux ... surtout la bague ! Papa

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  3. ca me fait plaisir de voir que je suis pas le seul a avoir une vision plutot critique de Kathmandu ^^. Mais on a bien fait le meme trek, votre description m'a fait repenser a ces bons moments. Et se voir la-bas etait vraiment super.
    En tous cas une bonne suite et fin de voyage, je continuerai de vous suivre depuis la maison car je rentre demain :-D :-D.
    Alors profitez bien et a tout bientot pour se racconter tt ca !

    Nico

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  4. BRAVO ! Texte captivant, photos magnifiques. Vous nous avez fait revivre notre voyage au Népal, sans trek mais avec la vision merveilleuse des Anapourna. C'était en 1987 et, heureusement, Kathmandou n'était pas encore ce qu'elle est aujourd'hui. Nous attendons avec intérêt de connaître vos impressions sur la Chine où nous sommes allés à trois reprises.
    Grosses bises depuis Reyvroz où il fait enfin beau. Grand-Mam et Grand-Pa

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